samedi 19 septembre 2009

Jean Giono - Jolis chatons.




J’ai été tellement surprise de retourner dans ces lieux. Il y avait des tonnes de petits fantômes, partout. Séverine et moi en train de faire de la gym dans les couloirs en douce, Sébastien qui tient une fille par la taille en fumant une cigarette dans la petite rue derrière. Et puis moi sur un banc, en 6ème, les cours d’EPS et la course longue. Tout ça quoi.

La grande question a été : est-ce que ça a changé ? Et qu’est-ce qui a changé ?

J’ai passé mes deux premiers jours à penser que rien n’était pareil, et la seconde d’après, que tout était en fait identique. Bizarre. Je voulais écrire un article un peu sociologique, vous expliquer les différences et les similitudes intra-générationnelles.. mais merde, j’en ai pas envie pour le moment.

Alors voilà ce qui m’a marqué aujourd’hui :

Il y a cette petite bande. Ils sont toujours les uns avec les autres, on a du mal à différencier le mâle de la femelle tant la mèche, le slim, les pulls larges rayés les font se ressembler. Les voix sont toutes fluettes. Pas encore de trace de barbe.

Ils vont se mettre dans un recoin, là-bas, et ils s’allongent les uns sur les autres. C’est très doux, très paisible. Les mains se cherchent, les peaux se touchent, les corps ne font plus qu’un.

On a envie de se blottir aussi contre eux, d’enfouir son nez dans ces pulls moelleux à 100 euros achetés par papa et repassés avec soin par maman. On voudrait sentir l’odeur de propre, de savon de ces petits ados à la peau lisse, aux cheveux propres. S’enfouir dans cette douceur lascive, somnoler en se laissant bercer par le bruit de fond rassurant du préau. On voit qu’ils attendent l’adolescence, elle n’a pas encore eu de prise sur leur beauté enfantine. La violence des conflits intérieurs se prépare, et, liés les uns aux autres, ils l’attendent sans crainte.


Des rires, parfois. J'entrevois quelques traces de personnalité. Une jeune fille déjà très formée fait la maligne, embrasse ses copines sous les applaudissement des autres. Un garçon vient s’installer, tranquillement, entre les jambes d’une de ses amies qui l’accueille en lui ouvrant les bras et en lui caressant les cheveux, pendant que le jeune homme rosit de plaisir , il est fier de son culot récompensé. Hier déjà, il s’est assis à coté d’elle à la cantine.

Et puis ce tout petit couple.. Elle est jolie comme un cœur, encore toute petite. Assis à ses cotés, le bras autour de ses épaules, un jeune homme qui la couve du regard. Ils ne se parlent pas. J’aime sa façon de la toucher, sa main sur son épaule, posée, légère, comme s’il avait peur de l’abîmer. Comme s’il n’en revenait pas encore de la chance qu’il a d’être là, simplement à coté d’elle. Elle rit parfois et lui la regarde.

Elle est son trésor.

Un instant elle se lève et disparaît de sa vue. Je le vois s’assombrir, retenir son souffle. Et si elle disparaissait ? Je me souviens de cette terreur de ne plus exister pour l’autre en étant hors de sa vue. Il la cherche des yeux, il est tellement beau, sur la pointe des pieds, redoutant le pire. Moi, je la vois, la petite, à moitié dans les bras d’un autre (quel séducteur celui là !). Aussitôt, le petit Roméo s’élance, marche d’un pas décidé vers elle et pose ses lèvres sur sa joue. Elle referme ses bras sur lui et ils se serrent l’un contre l’autre, fort de cette absence de quelques minutes. Je sais ce qu’il y a dans leurs têtes, je connais cette force démesurée et je les envie pour ça. Ils ne savent pas encore le reste.

Ils retournent se lover contre leur petite bande. Une portée de chatons bien nourris, voilà ce qu’ils sont.

On dirait un tableau, une photo, je reste devant eux à les regarder et ils ne disent rien. Ils me regardent en retour en silence. J’ai envie de m’asseoir avec eux et de leur raconter combien la vie est dure, comme ça va faire mal quand le premier chagrin d’amour va pointer son nez, quand leur jolie bande va imploser, ravagée par les trahisons, les déceptions et le reste. Je voudrais leur dire qu’il n’ont pas encore connu la force de l’orage, que jour après jour ils vont en chier mais que tout s’apaisera. Je voudrais leur dire de ne pas perdre espoir, qu’ils sachent que tout n’est jamais aussi dur qu’on le ressent. Qu’ils vont se surprendre eux même, mais que parmi eux certains resteront, et que personne ne leur enlèvera jamais ces moments hors du temps.
Je voudrais leur expliquer que bientôt ce ne sera plus possible, d’être simplement blottis les uns contre les autres sans penser à rien d’autre. Le désir va faire son travail, le contact ne sera plus le même, le moindre frôlement pourra leur faire perdre la tête. Il faudra savoir mettre des distances, trouver le bon contact, chercher d’autre moyen de se dire comme on s’aime sans trop se toucher.


Mais ils le sauront bien assez tôt. Ils sont beaux, intelligents, riches à point. Ils s’en sortiront, ils le savent et confiants ils se jettent dans cette spirale que certains appellent adolescence et dont aucun ne ressortira tout à fait le même.

Alors je me tais.

3 commentaires:

  1. C'est mignon ça.
    Je n'avais guère cette perception lorsque j'ai été pion. Beaucoup plus cynique et sinistre. Entre viols incestueux en réunion et assassinat/suicide. Évidemment, le cynisme est une défense contre ce que l'on entendait comme histoires. La conclusion serait toutefois la même que toi.
    "Alors je me tais".
    Mehdi

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  2. Je ne peux pas écrire que des choses tristes, sinon plus personne ne viendra sur ce blog. Mais il y en a quand meme. Merci de ta visite, Medo le strasbourgeois.

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  3. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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