Nous sommes donc jeudi. Grosse journée en perspective, je commence à 7h45 et finis à 17h45. On m'a également prévenue que j'aurai "le baptème du feu" : la cantine.
Matinée plutôt calme, je découvre peu à peu le travail qui m'est destiné : le portail, bien sur ; surveillance dans les couloirs pendant les inter-cours ; de la cour de récréation et surtout de la porte du préau. En effet, les petitous se doivent de rester dehors pendant la récré, sauf je suppose en cas de grosse averse ou autre. Ils ne peuvent aller aux toilettes que par petits groupes. Toute l'ampleur de ma tache (ce qui n'est pas peu dire) est donc de faire patienter la masse de collégiens agglutinés devant la porte. J'ai découvert la fabuleuse facilité avec laquelle ils me racontent n'importe quoi, et aussi l'extrême naïveté avec laquelle je me fait avoir.
"Je vais à l'intendance, pour les bourses", "j'ai tellement mal au ventre, laisse moi passer, madame, s'il teuu plaiit..."
Une autre de mes responsabilités est de contrôler chaque semaine les carnets de liaison d'une classe, la 3eme4. Les retenues et observations doivent être signées, les absences et les retards justifiés. Je me rends donc au début d'un cours dans leur salle de cours, ou j'explique avoir besoin de tout les carnets. Les élèves me regardent les yeux ronds, l'air de dire : " Pour qui elle se prend, la nouvelle (à la braguette ouverte) !"
Certains bougonnent un peu, mais je récupère tout les carnets sauf ceux de deux jeunes gens, qui prétextent l'avoir oublié chez eux.
Je file aussitôt vérifier ceci dans notre grand cahier vert, et explique la situation à mes collègues qui s'esclaffent, sûrs qu'ils m'ont bien eu. En effet, les deux salopiaux ne sont pas notés, et je remonte donc les attendre à la sortie, avec Jeanne en renfort.
Elle s'engouffre aussitôt dans la salle de classe pour aller voir Axelle, pendant que je me dirige vers Illies. C'est un immense black qui dépasse tout le monde d'une tête, et j'avais déjà eu l'occasion de le remarquer, tant il se distingue de ses petits camarades.
Quand je lui fait remarquer que je ne l'ai pas vu dans le cahier, ce qui induit qu'il est obligatoirement en possession de son carnet de liaison, à moins d'être en effraction, ne voilà-t-y pas que ce grand dadais se sauve en courant dans le couloir.
Que faire dans cette situation? Je l'appelle, mais, restant sans réponse, je choisis d'attendre la récréation pour aller lui parler plus tranquillement.
A ce moment-là, il m'avouera, penaud, qu'il est effectivement passé "en fraude" au portail.
En ce qui concerne le reste de la classe... Sur les 14 carnets ramassés, seuls 4 sont "en règle". En rendant les carnets, je précise que je les ramasserai à nouveau la semaine prochaine, et que ceux qui n'auront pas mis à jour seront sanctionnés. Des protestations s'élèvent, pendant que la prof se réjouit.
Plus tard, mes collègues me reprocheront de les avoir prévenus du contrôle de la semaine prochaine... Je reste un peu perplexe. Le but est-il que le carnet soit à jour, ou de récolter le maximum de "collés"?
L'épisode "cantine" se passe plutôt bien, tout compte fait. Les élèves sont calmes et sympas, la bouffe immonde (l'éternel gratin de chou-fleur, si cela peut vous rappeler quelque chose) Je suis juste un peu déçue que le repas ne soit pas pris en charge par le collège. Le jeune fugueur au carnet envolé, Illies, est demi-pensionnaire, et il est plutôt gentil.
Said.
J'ai l'impression que tout le monde fait des pronostics sur l'espérance de longévité au sein du collège de la nouvelle prof de musique. C'est une femme assez antipathique qui se fait déborder par ses élèves, et n'a pas l'air de faire preuve de beaucoup de finesse. Alors que nous allons faire l'appel ( on ramasse à chaque début d'heure des petits papiers sur chaque salle de classe, recensant le nombre d'absent.) celle-ci nous demande d'aller chercher le CPE, car elle n'est pas là pour faire du "dressage". (Imaginez les têtes des gamins : yeux ronds, bouche ouverte "Oh madame, nous on est pas des animaux hein" "Madame Madame, avec vous on est pas des humains)
Un peu plus tard, le CPE redescend de la salle de cours avec un gamin, Said, qui a dit quelque chose de trop au mauvais moment. Il en faut.
Alors que Jeanne le note sur le cahier des exclus, celui-ci s'exclame
- Vous me notez sur le cahier des exclus ! Ah nan, pas possible, c'est pas la prof qui m'a exclu, c'est le CPE. Il n'y a que le prof qui décide qui est exclu !
- Enfin, Said, tu n'es plus en cours, là ! Si tu n'es pas en cours, c'est que tu es exclu.
- Mais je suis une tête en classe, moi ! Je veux pas être exclu, après c'est sur mon dossier et mon école elle me prend pas l'année prochaine !
Il a fallu lui expliquer la différence entre être exclu de cours et exclu du collège, mais je ne suis pas sûre que ça l'ai vraiment rassuré.
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