samedi 2 mai 2009

Vendredi 18 janvier - Malika

Aujourd’hui, drôle de journée.

Je n’ai pas travaillé depuis la semaine dernière à cause de mes partiels, et nous sommes 4 (pions et CPE confondus) sur 7. Alors on court d’une tache à l’autre, on surveille des gamins du coin de l’œil en triant des papiers, on fonce au premier étage à la sonnerie car comme tout est en travaux, il y a une étagère qui traîne dans les couloirs, et que ces garnements ne trouvent rien d’autre à faire que de la déplacer pour bloquer la porte de la salle de la prof de Défense contre les Forces du Mal.
Quand la journée se finit enfin, on est tous un peu HS, et moi j’ai rendez-vous avec la femme du collègue décédé de Seb, citée dans le précédent article. C’est un peu compliqué parce que je ne sais pas comment aller chez elle, que Seb est très en retard, alors on annule. Mais comme ça semble faire vraiment plaisir à Malika de nous voir, on désannule et c’est comme ça que j’ai eu la chance d’assister aux coulisses du collège.

Malika vient me chercher à l’arrêt de bus avec ses trois petits, et on se dirige tous ensemble vers chez elle. Ici et là, je vois des groupes de petits qui me regardent de travers. Normal, je suis leur pionne, et à en voir leur tête ils se demandent vraiment, VRAIMENT ce que je fais là. On monte à l’étage, ou nous attend Ali, le fameux neveu qui a reconnu Seb, et d’autre jeunes que je ne connais pas. Malika est un peu stressée, on ne s’est pas vu depuis le décès de son mari, on ne sait pas quoi se dire alors elle s’agite, fait des allez-retours dans la cuisine puis finit par s’asseoir. Elle s’allume une clope, et je lui demande : « Bon, et tu gardes le moral, quand même ? » Elle me dit que pas vraiment, que c’est très dur, qu’heureusement il y a les petits, et qu’elle s’accroche pour eux. Elle me raconte l’accident, l’hôpital, le deuil. Puis parle du passé. Me montre 1001 photos de mariage, de fiançailles, de voyage de noce et autres. Pendant qu'on parle, Les petits nous tournent autour. Nassim demande "Maman maman maman!! Dessines moi un K!" Pui : "Après le K dans Malika y'a quoi?" Alors Malika dessine des K, fait des lignes de S. Nassim veut nous montrer qu'il sait compter jusqu'à 69, et nous l'écoutons, et Malika sourit. Je comprend mieux pourquoi les petits l'aident tant que ça. Parce que même si elle le voulait, ils ne la laisseraient pas "partir". Parce que Dora a eu les félicitations de la maitresse, que Nassim compte jusqu'à 69 et que le petit dernier, Farris, est un petit prince qui ressemble de plus en plus à son papa. Parce que ses petits, c'est tout ce qui compte maintenant.


Ali tourne un peu en rond dans l’appartement. Il regarde par la fenêtre toutes les deux secondes, retourne dans la cuisine ou il fait des pizzas. Il finit par nous dire qu’il va rentrer chez lui. Puis Seb arrive, tel un chevalier sur sa moto verte. Ali s’écrit : « Il arrive, il arrive !!! » Je jette un œil dehors. À peine s’est-il éloigné de la moto que des nuées de gosses se ruent vers la moto. Malika dit à sa nièce « Toi tu surveilles la moto, hein ! » Amel gueule sur les gamins « Dégagez les mioches, vous la touchez pas celle-là ! » Les gamins s’éloignent en traînant des pieds. Voilà comment faire passer la nuit à une moto sans son cadenas dans le quartier le plus sensible de votre ville.

On mange de la pizza, des spaghettis bolognaise et un délicieux couscous que nous a monté la mère de Malika qui habite l’étage en dessous. Ali me demande si j’ai déjà fumé la chicha, je lui dis que oui mais que je crame le tapis à chaque fois. Il se marre et me demande si ça pique, comment ça marche, etc. C’est un chouette jeune. Il fait à manger pour nous, surveille la moto en même temps et pose pleins de questions sur tout.

Puis, il demande à Malika si Seb pourrait emmener Ali en moto dans le quartier à coté, il veut voir un copain pour ses cours qu’il a loupé. Seb l’emmène, et Ali brille de reconnaissance. En revenant, il veut savoir comment ça marche, s’il y a des vitesses, comment on les passe, etc… Seb le lui explique, et lui dit que la prochaine fois, il le fera conduire. Ali sourit jusqu’au oreilles.

On parle un peu du collège, des copains et copines, de qui traîne avec qui et qui sort avec qui. En partant, il me fait un clin d’œil : « T’as vu, ici c’est l’autre Ali, pas celui du collège hein ? » Je ris. Malika me dit que les parents sont divorcés et ne s’occupent plus du tout d’eux, qu’il viennent du coup tout les week-end et même parfois en semaine.
Puis on se dit qu’on se revoit la semaine prochaine, et qu’elle vient le week-end d’après, parce qu’il y a six mois de ça, on leur avait promis de leur faire une blanquette.

Alors, oui, la banlieue, c’est le bruit et l’odeur. Des cris d’enfants, des rires, un garçon qui siffle, dehors. Des odeurs de couscous, de pizza, et tout ces gens qui sourient même quand ça ne va pas.

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